vendredi 26 octobre 2007

Le tourisme spatial sent-il mauvais?


Les avions suborbitaux crachent des polluants dans l'atmosphère. Mais peut-être moins qu'on ne le pense.

Alors que le Grenelle de l'environnement vient de terminer ses travaux, je remarque qu'aucun de ses groupes de travail n'était dédié au tourisme spatial. C'est étonnant. Parce qu'à lire ce qui s'écrit ici et là, ce divertissement de milliardaire pourrait devenir une source importante de pollution atmosphérique.

Légende photo : SpaceShipOne lâche une traînée de saletés dans le ciel (crédit : ScaledComposites)

Polluer comme un pharaon

"Réserver aux plus riches les loisirs les plus chers et les plus polluants, on sait faire depuis les pharaons d’Egypte", déplore ainsi Sylvestre Huet dans Libé, le 14 juin dernier. De son côté, le Spiegel Online International évoque "l'énorme consommation de carburant et l'empreinte carbone de chaque fusée tirée d'un astroport privé".

Et c'est vrai que les avions suborbitaux rejettent des gaz dans l'atmosphère. Mais avant de condamner, il faudrait savoir combien exactement.

Avant de donner la réponse de Virgin Galactic, posons-nous une question : si cela pollue autant qu'une navette spatiale, est-ce que ça fait trop? Et si ça crache moins qu'une voiture est-ce que c'est acceptable? (Cette parenthèse vous offre un espace de réflexion de quelques instants).

Moins qu'un passager vers New York

Selon Richard Branson, chaque vol du futur avion suborbital SpaceShipTwo produirait moins de gaz nocifs que chaque passager en business class d'un vol transtlantique. Et ne produirait pratiquement pas de CO2. C'est ce qu'écrit Kenny Kemp dans son livre "Destination Space" sorti chez Virgin (Virgin, l'éditeur, cette fois).

Le PDG de Virgin Galactic sait bien qu'il n'y aura pas de tourisme spatial si cette activité n'est pas écologiquement acceptable. Le même problème se pose d'ailleurs pour sa flotte d'avions, qui consomme la bagatelle de 2,65 milliards de litres annuellement.

C'est bien pourquoi le milliardaire se fait le chantre de la propreté. En septembre dernier, il a ainsi promis que tous les profits de la branche transport de son groupe seraient affectés à la lutte contre le réchauffement climatique pendant les dix années à venir. Soit trois milliards de dollars.

Des plantes pour s'envoler

Et concernant le tourisme spatial, il a également fait une annonce intéressante : une étude a été lancée par Pratt & Whitney pour vérifier si le moteur du WhiteKnight2, l'avion-porteur de SpaceShipTwo, ne pourrait pas fonctionner avec des agrocarburants...

samedi 13 octobre 2007

"La première phase de la conquête spatiale se termine"


Interview de Xavier Pasco, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique



Les débris de Columbia signent la fin de la Guerre froide dans l'espace (simulation Analytical Graphics)

L'espace est-il entré dans un nouvel âge?

Depuis Spoutnik, voici 50 ans, le développement des activité spatiales a toujours été motivé par des considérations politiques. Pour le dire d'un mot, l'espace est un produit de la Guerre froide. Il s'est structuré autour de l'affrontement est-ouest. Les missions Apollo en sont un exemple, ainsi que les programmes militaires d'observation, de positionnement ou de télécommunications . Voilà que cette phase se termine.

Comprenons-nous bien : pour vous, la Station spatiale internationale et la navette spatiale sont aussi des conséquences de la guerre froide?

Oui, en lançant cette station en coopération avec l'Union soviétique, les Etats-Unis voulaient ficeler les savants de l'Est dans leurs laboratoires [de manière à les empêcher de mettre leur savoir-faire au service d'autres puissances, NDLR]. Poursuivant cet objectif, Washington a financé les travaux des ingénieurs soviétiques à hauteur de 400 millions de dollars par an.

Nous voici donc entrés dans une nouvelle phase. Depuis quand, selon vous?

Je pense que le discours de George W. Bush en janvier 2004 marque la fin de la première époque. Après la perte de Columbia, il y annonce l'abandon de la navette et l'installation d'une base habitée sur la Lune avant 2020.

Quelles sont les caractéristiques de l'ère qui commence?

Le club des pays spatiaux s'élargit de manière spectaculaire. On voit fleurir des programmes spatiaux en Malaisie, en Thaïlande, en Algérie, par exemple. Cela, grâce aux avancées de la technologie qui met à disposition de ceux qui le souhaitent des satellites de petite taille bon marché.

mardi 9 octobre 2007

Une devise pour l'espace



La formule de Coubertin "Plus vite, plus haut, plus fort" conviendrait parfaitement pour l'espace. Mais ce n'est pas de ce genre de devise que les astronautes ont besoin pour faire leurs emplettes.


Des pièces de monnaie enfin space-proof (crédit : Travelex)

Imaginez un peu. Vous êtes à bord d'un avion suborbital, prêt à réaliser la culbute de votre vie au-dessus de la Terre quand, tout à coup, il vous prend une subite envie de jus de tomate. Oui, un bon verre de jus de tomate agrémenté d'une pincée de sel au céleri.

Comment payer votre jus de tomate?

Seulement voilà. Ce rafraîchissement est-il compris dans le prix du vol? Sinon, la charmante hôtesse de l'air - de l'espace, je veux dire - acceptera-t-elle vos euros? D'ailleurs, quelle est la devise en cours hors de l'atmosphère terrestre?

Depuis hier, il y a une réponse. Il faudra payer en quids. Les quids (Quasi Universal Intergalactic Denomination ou, en français, valeur intergalactique quasi-universelle) sont la nouvelle monnaie de l'espace. C'est du moins ce que voudrait Travelex, la société de change britannique qui les a lancés.

E.T. sera content

Et pour assurer leur succès, Travelex a pensé à tout. Les quids (qui est aussi un terme argotique pour désigner les livres britanniques) sont totalement space-proof. Le communiqué de presse précise qu'ils ne contiennent pas de produits chimiques pouvant contaminer les astronautes ; qu'ils ont été fabriqués pour supporter les dures conditions de l'espace ; et, même, qu'ils ont été conçus pour que des êtres intelligents venus d'une autre planète comprenne de quoi il s'agit.

Poutant, même ailleurs dans la Galaxie, personne ne croit un instant que ces objets ovoïdes serviront à autre chose qu'à faire la pub de Travelex. Il ya fort à parier que, pour votre ticket à 200.000 $, les rafraîchissements, servis dans des tasses munies d'un bouchon à clapet anti-retour, seront grâcieusement offerts par Virgin Galactic. Ouf.

jeudi 4 octobre 2007

Nouvelles Frontières propose des vols en apesanteur


En offrant des tours en avion "zéro-g", le voyagiste Nouvelles Frontières, qui fête ses 40 ans, essaie de faire oublier ses mauvais résultats financiers.

Quand on fête son anniversaire, c’est humain, on veut se montrer sous son meilleur jour. Moi-même, qui ai eu 40 ans en juin dernier, j’ai tenté de faire bonne figure devant la trentaine d’amis que j’avais invités pour l’occasion. En me rasant de près, en rangeant l’apparte, en disposant des mets succulents sur la table. En tout cas, personne n’a été malade. Ou n’a été assez mal élevé pour me le dire.

Nouvelles Frontières, c’est pareil. Comme moi, le voyagiste français a pris un peu d’embonpoint et voit poindre avec regret quelques rides sur sa figure. En ce qui les concerne, c’est surtout le porte-monnaie qui souffre. En 2006, la société a perdu 30 millions d’euros. Pas de quoi se réjouir.

3000€ pour ne plus sentir son poids

Alors, pour donner le change, elle fait une nouvelle offre à leurs clients : le vol en apesanteur. L’Airbus A300-0G (« zéro-g » signifiant gravité zéro) de la société Novespace, filiale du CNES (Centre national d’études spatiales) pourrait accueillir de simples amateurs à la recherche de sensations fortes. Cela pour 3000 € par personne.

L’A300-0G est un Airbus 300 légèrement modifié. Sa mission : lorsqu’il a atteint 700 ou 800 km/h, se cabrer pour grimper en altitude puis redescendre après avoir réalisé une belle trajectoire en cloche. Au sommet de la courbe que l’engin dessine ainsi, les passagers font l’expérience d’une trentaine de secondes d’apesanteur. Ils volent. Se laissent gagner par l’extase, l’ivresse de ne plus rien peser. Et puis vomissent. En tout cas, c’est ce qui m’est arrivé quand j’ai tenté l’aventure vers 1987.

Jusqu’à aujourd’hui, seuls des scientifiques, des étudiants des astronautes et quelques invités, des journalistes notamment, pouvaient voler à bord de l’A300-0G. Voilà qu’il suffit de payer, comme aux Etats-Unis. Là-bas, la société SpaceAdventures, entre autres, commercialise de tels vols pour 3500 dollars pour des groupes de 10 personnes.

L'espace fait toujours rêver

J’aime bien cette info. Elle montre que l’idée qu’on se fait de l’espace est en train de changer.

On disait les vols habités inutiles, coûteux, donc promis à disparaître. Claude Allègre, par exemple. Le voyagiste Nouvelles Frontières démontre qu’ils font encore rêver. Au point qu’ils sont censés faire oublier ses déboires.

Surtout, cette info est le signe que l'accès à l'espace se démocratise. Plus besoin de faire partie de l'élite des astronautes pour connaître l'apesanteur. Il suffit d'avoir de l'argent. Ce qui n'est pas donné à tout le monde, j'en conviens.
Légende photo : l'Airbus 300-0G se cabre à 45° avant d'entamer sa trajectoire parabolique.

Bienvenue dans le nouvel âge spatial

Cinquante ans après le lancement de Spoutnik, la conquête spatiale connaît un redémarrage spectaculaire. Au point que certains pensent qu'elle entre dans son "deuxième âge".

En matière spatiale, nous vivons probablement la fin d’un cycle. Et le début d’un nouveau.

Celui qui commence est plein de promesses. On y trouve des objectifs ambitieux, poursuivis par des acteurs souvent nouveaux, prêts à investir des sommes croissantes pour parvenir à leurs fins.

Parmi ces nouveaux acteurs, il faut compter la Chine et l’Inde, entre autres. Mais aussi, aux Etats-Unis, de jeunes entrepreneurs privés qui entendent bien faire évoluer le secteur. L’installation d’une base habitée permanente sur la Lune, le développement du tourisme spatial, la réduction drastique du coût du kilo en orbite comptent parmi les objectifs qu’ils se fixent.

Des moyens et de l'envie

Quant aux moyens financiers, ce sont ceux que certains milliardaires passionnés d’espace ont amassé en revendant leur société des « dot.com » avant l’explosion de la bulle Internet. Et qu’ils mettent au service de leurs projets spatiaux. Ou encore ceux que la Chine, l’Inde, mais aussi la Russie sont en train de débloquer pour acquérir du prestige grâce à la conquête spatiale et mieux asseoir leur domination politique dans la région.

Le nouveau cycle qui commence se caractérise par un mot : l’envie. L’envie avait disparu. La navette, la Station spatiale internationale ne faisaient plus rêver personne. Et voilà que le rêve est de retour.

Bon anniversaire, Spoutnik

Le cycle qui se termine, lui, s’est ouvert voici 50 ans jour pour jour avec le lancement de Spoutnik, le premier satellite artificiel jamais envoyé dans l’espace. S’est poursuivi avec des réalisations grandioses comme les missions Apollo. Avec le développement d’applications comme la météorologie, l’observation de la Terre et des océans, les télécommunications, le positionnement. Avec la réussite commerciale du lanceur Ariane, avec des succès scientifiques comme les atterrisseurs Viking, les sondes Voyager ou Pioneer, le rover Mars Pathfinder ou le satellite Mars Express.

Mais depuis ces temps héroïques, ce cycle n’en finit pas de se terminer.

1er février 2003, date charnière

Quand a-t-il pris fin exactement ? Tout récemment. L’Histoire retiendra peut-être le 1er février 2003. Ce jour-là, la navette américaine Columbia explosait en plein vol, tuant les sept astronautes à son bord. Un an plus tard, en janvier 2004, George W. Bush décidait de mettre au rancart ce merveilleux joujou d’ingénieur qui n’a jamais tenu ses promesses aussi bien financièrement, commercialement, techniquement qu’en matière de sécurité. Et faisait dire à certains que les vols habités n’avaient aucun avenir.

Par cette annonce, le président des Etats-Unis signait également, de manière symbolique, l’arrêt de mort de la Station spatiale internationale. Ou, du moins, en pointait l’échec.

Surtout, il donnait le signal du départ pour une nouvelle course à la Lune, relançant du même coup les vols habités.

Au même moment, le 4 octobre 2004, la société ScaledComposites de Burt Rutan réussissait à remporter l'Ansari X Prize, mettant le tourisme spatial sur orbite, ainsi que d'autres projets un peu fous.

Un blog pour tout comprendre

Ce blog s’efforcera de tenir la chronique des bouleversements en cours dans le domaine de l’espace. Il y sera question de tourisme spatial, de retour sur la Lune, de milliardaires visionnaires, de géopolitique, d'hôtels en orbite, de traversées de l'Atlantique en moins d'une heure. Bref, de rêve et d’envie. Bref, d’espace comme on l’aime.

Légende photo (vue d'artiste) : Le premier vol commercial de SpaceShipTwo, véhicule suborbital créé par Burt Rutan, est annoncé pour 2009. On le voit ici sous son avion porteur.